Le chemin de la Plante qui Marche


forêt, Golb / mardi, mai 1st, 2018

Promenons-nous dans les bois pendant que… Le cerf n’y est pas.

Ainsi commence l’une de mes plus profondes et significatives aventures. Je rentre d’Afrique du Sud. Du Festival Ubuntu organisé par Michael Tellinger. J’ai pu passer plusieurs soirées autour du cercle de feu des bushmen, réunis en cette occasion unique. Beaucoup de « elders », un prince, des enfants, des jeunes, des moins jeunes… quatre vingt bushmen, certains KhoiKhoi d’autres San… Un voyage au coeur lointain de l’origine. Une rencontre avec nos racines. Un rêve qui prend vie. Et ce feu qui brûle. Incessant. Qui nous brûle. Un peu plus chaque jour… brûle les peurs, brûle encore dans ma chambre d’hôtel, la nuit dans mes rêves, brûle quand j’y reviens le lendemain, incapable de résister à l’appel, les restes d’un homme qui m’a mené jusqu’ici et que je finirai d’enterrer en rentrant.

La vie fait ainsi ses cadeaux. Simplement en suivant votre route, sans jamais tourner les talons, un moment vient où elle vous retourne les rêves que vous lui avez offert. Ainsi pour moi du travail bénévole sur le langage des plantes. Après trois ans de travail, me voilà invité à traverser le monde pour aller présenter ces recherches lors d’un festival d’envergure internationale réunissant des spécialistes à la pointe de leur domaine. Et comme si cela n’était pas suffisant en soi, participant à cette unique et bouleversante célébration de paix, réunissant dans un même endroit ces spécialistes du monde entier et les tribus de bushmen. Quand, au milieu de cela, on fait acte de recul, on ne peut que vibrer de gratitude pour un cadeau si profond et si beau. Ne perdez donc jamais de vue vos rêves. Jamais !

De retour en France, brûlant encore dans l’avion du feu de leur cercle, je prenais conscience qu’il m’était peut-être demandé, par cet enchaînement de faits, de devenir plus qu’un intermédiaire entre le monde végéal et les hommes, une plante qui marche. Un pont entre les peuples premiers et nos civilisations de l’ouest agonisantes. S’inspirant littéralement du choix sédentaire de nos cousins du règne végéal, ne se nourrissant que de lumière et d’eau, sortant des machines tout ce que nous y avons cédé et qui nous a permis de comprendre comment cela œuvrait sans apport technologique dans le monde végéal (comme on peut le voir où le lire dans le livre ou film : l’intelligence des arbres), pour redevenir détenteurs de notre propre réseau internet interne, de notre propre réseau téléphonique interne, de notre propre chauffage intérieur, allant piocher dans les traditions de l’Asie, toute la confiance nécessaire pour redécouvrir le prânisme, la télépathie, le pouvoir de l’intention comme outils de création, en nous appuyant sur le dialogue avec tout le vivant, toute la Végéanité (Pour les termes « Végéanité », « végéal », etc… Voir l’A propos du site du Chant des Plantes) et en gardant la mobilité qui est le propre du choix du règne animal : Une Plante Qui Marche !

Et faisant cela, nous pourrions alors aider la technologie à créer elle aussi sa propre énergie, seule réelle énergie libre possible. Chaque règne aidant ainsi son voisin et permettant ainsi de retrouver un équilibre dans notre écosystème en quasi-faillite. Éradiquant pour la même occasion la notion même de « combat », « guerre », « prendre »…. Nous permettant de retrouver ainsi, petit à petit, la dimension de créateur absolu que nous avons tous. Quoi que vous puissiez en penser.

Ce rêve ne vaut-il pas d’être mis en marche ? Même si jamais nous n’arrivons à y parvenir ? Il me semble tout de même bien plus sage et plus cartésien que la plupart des pistes proposées en cette fin de cycle qui nous rapproche, chaque jour, de la quasi-inexorable nouvelle extinction de notre espèce.

Alors, en arrivant sur le sol français, j’ai appelé ma moitié et lui ai annoncé ceci : « Nous allons redevenir des nomades. Des nomades avec tout le confort de nos civilisations «modernes », mais en nous. Comme si nous étions des plantes avec juste la possibilité en plus de marcher ! » Comme souvent (elle me connait bien), elle a tenté de sonder la profondeur de ma lubie et y a apporter sa touche de douceur. « Ok, mon amour. Je te suis. Mais allons-y doucement. Une chose après l’autre, veux-tu ? »

Du coup, le choix s’imposa facilement. Le Parédé est composé de deux royaumes. La Colombe de la Paix qu’on pourrait aussi appelé l’oiseau Sankofa, l’oiseau Bénou égyptien, le Phénix grec et ses maisons, son potager en permaculture, ses abeilles, avec son électricité, son eau courante : tout le confort et Le Loup Blanc, peut-être en proie à devenir le Cerf Blanc (vous comprendrez dans quelques lignes pourquoi), terre sauvage reprise par la forêt qui s’est toujours destinée à rester sauvage, du moins à tendre vers. C’est dans ce second royaume que nous voulions créer des habitations sommaires en terre et chanvre, telles les Kerterres et autres Écodômes et faire les expérimentations sur les énergies alternatives. Bien ! Qu’il en soit ainsi, le Loup/Cerf Blanc sera notre terre de nomadisme. Nous n’y construirons pas de structures, mais révèlerons les temples qui s’y trouvent et ferons tout ce que nous nous étions promis, mais en bâtissant patiemment nos temples high-tech intérieurs ! Bien sûr, au début nous irons doucement. Enlevant le confort extérieur couche après couche, jusqu’à être capable d’être ces temples dernier cri capables de marcher, ne ponctionnant de dehors qu’un peu d’eau et de soleil.

Si je suis un homme de la pensée, ce qui me caractérise, je crois, avant tout, est ma capacité à toujours passer par l’expérience.

Me voilà donc après quelques jours passés auprès des miens, à préparer une retraite d’une semaine, en nomade, dans notre royaume du Loup/Cerf Blanc. Un hamac, une bâche, un jerricane pour l’eau, une pierre à feu, un sac de couchage, mon téléphone avec l’injonction de se recharger seul, par ses propres moyens, ma cigarette électronique et mon mélange à vaper, avec pour sa batterie la même injonction (celle là à vraisemblablement bien marché, vu qu’une des batteries a tenu le double, voire si je ne joue pas l’humble prudence plutôt le triple du temps habituel), mon sabre japonais pour offrir la plus belle lame aux ronces que je devrai couper en chemin.

Finalement, Galiléo a voulu venir aussi. Pour lui, nous avons pris une tente suspendue (merci pour le prêt, frérot), quelques changes, un second sac de couchage, un peu de nourriture.

Et nous voilà partis…

Claire nous a accompagnés le premier soir avec un repas. Nous avons installé le campement dans l’endroit que nous appelons « le village des kerterres ». Pour le bois, c’était relativement aisé. La forêt n’ayant croisé personne depuis plus de dix ans, le bois mort est partout, à foison, sec et facilement cassable, même sans scie. Les feuilles mortes de l’automne dernier, avec la chaleur de cette semaine, nous ont permis un premier feu très facile à mettre en route. Pour l’eau, Sarraméa, la rivière, étant à une centaine de mètres, cela fut aussi facile.

Le feu, rapidement, fit son office. C’est fou comme un feu transforme le lieu, l’atmosphère. La méditation arrive et les voix se calment. Les paroles sont belles, les chants profonds. Élément rassurant certainement, il permet de faire corps avec l’endroit et anime la nuit de ses reflets. Ce n’est pas encore à l’intérieur, mais Galiléo a regardé ce film avec autant de plaisir que quand il regarde Mezha sur l’ordinateur. Pas de possibilité de lire, sans lampe de poche… Du coup, les histoires se créent. Elles arrivent. Viennent-elles du feu, du lieu, de nous, de notre imagination, de tout ça un peu mélangé ? C’est une toute petite première chose, mais elle me remplit de joie et de gratitude. Pouvoir offrir ça à Galiléo et le trouver comblé par cette sobriété, c’est, pour moi, une sensation de bonheur indescriptible !

Nous ne sommes pas si loin de la maison, peut-être quinze minutes de marche. Mais les oiseaux ici sont en plus grand nombre. Au matin, ce sera tellement fort que l’image qui me viendra, honteusement, c’est celle de l’ouverture d’un grand centre commercial, le jour des courses pour noël.

Claire repart. Galiléo dort dans sa tente à un mètre cinquante du sol. Je reste face au feu quelques heures, chantant, rêvassant, regardant, profitant de cette absence d’autres sollicitations… Puis vers minuit, je vais me coucher. Un simple hamac de toile et un sac de couchage. Le froid se fait mordant, l’humidité aussi. Je dors un peu. Peu. Heureusement, vers quatre heures, Galiléo se réveille. Il vient dormir avec moi. Allongé sur moi, dans mon sac de couchage, la chaleur que nous dégageons à deux, me permet enfin de dormir. Mais la pluie tombe. Qu’importe. Nous ne sommes pas de sucre. Et si je veux devenir une plante qui marche, il faudra bien que j’arrive à intégrer cela ! Nous dormons, malgré tout jusqu’à 10h00. Mais la pluie n’a pas cessé. Galiléo veut rentrer. Je ne peux pas lui en vouloir. Il a quatre ans et demi et vient aussi, je pense, de traverser une épreuve. La chaleur maternelle lui manque, la pluie rend l’aventure moins lumineuse. Et avouons-le, je suis bien content d’avoir ce prétexte pour rentrer à la maison, au chaud, boire un bon café. D’ailleurs, si c’était juste que je reste, le temps aurait été de la partie !

Il pleut ainsi toute la journée et la soirée. Et finalement, je reste avec Galiléo à la maison. En entrant en méditation, j’entends clairement que je devrai être dehors, sous la pluie. Cela fait partie du cadeau. Mais je résiste et file me coucher dans mon lit douillet, collé contre ma douce.

Je retournerai au camp que le jour suivant. La pluie a cessé. Tout est détrempé, mais le soleil semble revenu. Un peu coupable, je repars. Je prends une scie pour m’aider à mettre les plus grosses bûches au format de notre feu. Galiléo vient avec moi. Nous taillons un passage pour Claire et Hélia qui doivent venir nous rejoindre pour le repas du soir. Galiléo est d’une patience infinie. Je coupe, je taille les ronces. Pendant des heures. Lui, attend, regarde, observe. Je me coupe. Le sang coule à flot. Galiléo s’inquiète. Je le rassure et lui dit que c’est le juste retour de ce que j’ai pris à la forêt. J’entends les « elders » autour du feu en Afrique du Sud le dire : »Tout ce que tu prends, tu dois le rendre. C’est pour cela que nous allons jambes et pieds nus. S’ils le doivent, les piquants nous écorchent et nous payons de notre sang ce que notre mère nous rend en nourriture, en protection, en chaleur. Elle ne prend jamais plus que ce qui est juste. ». L’info qui m’avait marqué marque à son tour mon petit dernier. Il ressortira cela autour du feu, assez fier de son père, à sa mère : »Papa a payé en retour de ce qu’il a pris à la forêt. Avec son sang ! »

Ce soir-là, notre cercle de feu accueille Claire, Helia, Enkidou et Kevin. Nous en profitons pour faire un cercle de parole. Un très beau cercle de parole. Les paroles sont profondes. Le moment est très solennel. Beaucoup de silence. Beaucoup de contemplation de ce serpent rouge qui chauffe et dévore nos offrandes de bois. Ils repartent et je reste comme l’avant veille face au feu. Enkidou en partant à mis une bûche qui ressemble à une tête de dragon. Je m’interroge. « Est-ce toi Éden ? » Éden est un dragon qui est arrivé depuis peu au Parédé, mais que, bien que le sentant très clairement, je n’ai jamais réussi à voir jusque là.

Je reste ainsi deux heures. Encore une fois, je chante pour le feu, je chante pour la forêt.

Avec la pluie qui est tombée, la température a encore chutée. Il fait très froid, mon hamac est encore mouillé de la pluie passée, ainsi que mon sac de couchage. Mais il est temps de se coucher. Je m’installe, je tente de laisser aller les sensations de froid et d’humidité sans les assimiler au froid et à l’humide, mais le froid ne l’entend pas ainsi ! Il mord fort ! Je finis par m’endormir vers le jour levant, comprenant que Galiléo ne viendra pas à ma rescousse. Hélia est avec lui dans la tente, il ne descendra pas.

Nous nous levons vers 9 h, Hélia se plaint du froid, Galiléo ne se plaint pas… Le petit homme des bois. Il veut chasser. Nous prenons, avant notre départ à l’aventure, quelques bouchées de Lierre terrestre et d’orties et préparons des piques de noisetier pour aller pêcher. C’est plus pour jouer que sérieusement, Sarraméa n’étant pas très profonde, ni large. Mais qui sait, si aujourd’hui un poisson veut s’offrir à nous, qu’il en soit ainsi, nous l’honorerons et le mangerons. Oui, oui, c’est bien Alexandre le végétarien convaincu qui écrit ceci.

Nous emmenons Hélia à « l’Ile aux Pierres Sacrées », une zone que nous avons investi avec Galiléo lors de nos balades nombreuses sur les terres du Loup/Cerf Blanc. Personne, hormis Aïdé ne nous a jamais accompagné là-bas. C’est pour dire comme le moment est empreint de sérieux. « Viens, par ici, traverse la porte secrète » Galiléo guide sa sœur vers ce lieu de Paradis où je sais qu’il me faudra venir pour y dormir, seul avec mon hamac.

La pêche est infructueuse, mais nous en profitons pour nous entraîner à capturer des feuilles mortes filant dans la rivière avec nos harpons. Seule Hélia y arrivera. On ne s’improvise pas chasseur au harpon comme cela ! Parallèlement, ayant encore eu recours au coupe coupe pour nous frayer un passage, je rajoute dans mes attentes : être capable de demander et de permettre aux plantes de s’ouvrir pour laisser un passage sans les tuer. J’aime vraiment les ronces ! Les royaumes qu’elles protègent sont souvent si beaux, si organisés. Et j’en ai décapité tellement… Elles empêchent le passage certes, mais il doit bien exister un autre moyen… Il le faudra !

A nouveau le ciel s’assombrit. Il est midi, les enfants sans dire qu’ils ont faim, semblent avoir envie de rentrer à la maison. Galiléo demande son film, sa maman et Hélia accompagne. Me voilà à nouveau seul. Et je sais, je le sens jusqu’au plus profond de moi, c’est maintenant que les choses sérieuses vont commencer.

Il est 14 h et la pluie revient. Pas une grosse pluie, mais une pluie régulière qui a ramené le froid avec elle. Je ranime le feu. Je reste en tee-shirt. Je dois expérimenter cette sensation du froid autrement. Galiléo est capable de sortir nu dans la neige. Je le faisais aussi quand j’étais petit, alors quoi ! Je tiens bon et il se passe quelque chose. Je découvre que la sensation du froid, une fois libérée des mécanismes qui l’accompagne, est la même que quand tout mon corps est parcouru de frissons d’extase, de joie, de gratitude. Je m’accroche à ça. Et du coup, malgré la pluie et le froid, je parviens à rester ainsi. Peut-être suis-je un peu sous l’hypnose du feu, dans un autre espace-temps. Un geai des chênes se pose en face de moi et semble furieux. Il me regarde et se met à me crier dessus, puis comme il est venu, s’en va. Je suis tellement ailleurs que j’en oublie de mettre mon hamac et mon sac de couchage à l’abri de ce flot de pluie incessant. Mes pieds nus sur le sol glacé et trempé sont gelés, insensibles. Les bogues de châtaignes qui hier encore me faisaient marcher comme une danseuse sur pointes, s’enfoncent sans la moindre réaction en moi. Le temps passe. Il est 18 heures et la salve finale de mon mental arrive. C’est la dernière épreuve de mon féroce Gardien du Seuil. Le froid se réveille, l’inconfort total, la pluie, mon corps transi. « Mais qu’est-ce que tu fais !? Rentre ! Ne reste pas sous cette pluie. » J’ai envie d’une pizza, d’un bon film dans mon canapé, de me coller à mon amoureuse et de lui faire l’amour une dernière fois avant de partir pour Paris. Tous les arguments se présentent les uns après les autres. « Et oui, avec le hamac trempé, le sac de couchage trempé, tu vas attraper la mort si tu restes là ! Tu es ridicule ! » Je me rhabille, je mets mon pantalon de pluie, mon pull et mon ciré. Seuls mes pieds restent nus. J’attrape mon duvet que je mets dans la tente suspendue d’Enkidou et je fouille fébrilement dans le sac que Claire a laissé avec quelques tranches de pain et du fromage. Je mange. Plombé instantanément par cette boulimie qui me submerge. Je sais que je dois tenir. Je regarde mon mental qui s’emballe et je finis par rire. « Je ne partirai pas quoi que tu dises, quoi que tu demandes. Si nous devons mourir ce soir, nous mourrons. C’est ainsi ! » Le mental lâche un peu la pression. Il comprend qu’il n’arrivera pas à avoir le dessus sur la tête de mule que je suis.

Claire m’avait dit qu’elle viendrait manger avec moi le soir, mais il est déjà 19h00 et elle n’est pas là. Avec la pluie, je me dis qu’elle a préféré rester à la maison. Et je la comprends. La forêt sous cette pluie glaciale n’est pas accueillante. Je continue d’entretenir le feu. C’est mon point de centrage, la routine continue qui maintient dans l’axe. D’autant qu’il faut maintenant lutter pour que le feu ne se noie pas.

A 19h30, j’entends Claire qui appelle et je vois Socrate qui arrive. Ils sont venus. Malgré le temps pourri. Même Galiléo est là ! Waouh ! Il n’y a que dans ces moments-là où l’on peut mesurer comme la solitude parfois peut être angoissante et sclérosante. C’est comme si le soleil revenait, malgré le fait que la pluie ne cesse pas et se renforce même.

Elle arrive avec ses plats chauds, portant avec elle le monde de la douceur et du confort. Comme c’est bon. Nous mangeons sous la pluie autour du feu, Galiléo crapahute quand même malgré le temps. Puis vient le temps du départ. Ce soir, ils ne resteront pas. Et je les comprends. Mais avant de partir, Claire me demande de mettre la petite bâche qu’elle m’a acheté en plus au dessus du hamac. « Oui, oui, je la mettrai ». Elle me connait et elle sait que je ne le ferai pas. Du coup, patiemment, elle insiste pour que nous fassions l’installation ensemble. Nous tendons la tache au dessus du hamac trempé. Alors, elle revient à la charge et me demande de mettre le second sac de couchage, celui que Galiléo a laissé dans la tente, dans le mien trempé. D’abord je serai moins en contact avec l’humidité et vu le froid mordant, j’aurai certainement un peu plus chaud. « Tu as raison, je le ferai. » Elle me sonde encore une fois et vois bien que, là non plus, je ne me rangerai pas à son avis. Du coup, elle le fait. Elle installe les sac l’un dans l’autre et me laisse une chambre qui me semble bien trop confortable.

Enfin, avant de partir, elle regarde mes pieds bleus et gelés et me dit que je devrai remettre mes bottes et mes chaussettes. Et dormir avec mes chaussettes, par la même occasion. Elle prend mes pieds dans ses mains, me les lave patiemment et délicatement. Je suis très ému par ce moment. Je remets mes chaussettes et mes bottes et tout à coup, la tempête se calme en moi. Je suis au chaud, en sécurité.

Après leur départ vers 21 h, je reste encore trois heures autour du feu. Il y a cette bûche qu’Enkidou avait mis la veille et qui s’est retrouvée hors du feu aujourd’hui et qui revient dans le feu, au moment où la nuit tombe. « Tiens, le dragon… Eden, te revoici » J’ai l’intuition de le tourner ver le nord et je me retrouve face à son oeil. Et là se passe quelque chose !

Je vois son oeil s’ouvrir et se fermer et son museau frémir. Je le vois respirer. Ce sont les mêmes ombres qui enfant m’empêchaient de dormir, parce que je les voyais prendre vie dans ma chambre quand ma mère éteignait la lumière. « En fait, elles sont réelles ! » Ce qui est faux, c’est de nous dire que ça n’existe pas ! Elles existent ces formes qui bougent et vivent, c’est simplement que nous refusons de les voir et de les accepter comme vivantes, parce qu’au jour d’aujourd’hui, nous n’avons pas les clés pour comprendre de quoi il s’agit. Je remercie le dragon de m’avoir permis de recontacter cela. Je le regarde me regarder. Je le contemple respirer. Il est minuit, la pluie tombe toujours, mais elle est devenue comme une musique qui murmure des petites notes égrenées et fait jouer les feuilles autour de moi, elle qui jusqu’à mes retrouvailles avec Eden pesait sur moi comme un danger. Je remercie Eden et je file me coucher, en me confiant à sa protection pour la nuit.

Ah oui, j’ai oublié de parler de la capuche. Sous cette pluie, une fois le ciré mis, j’ai reçu une grande aide de cette capuche. Elle a son rôle dans cette histoire… courage, nous sommes bientôt au bout. Par le tout petit espace qu’elle permet de voir, elle oblige à lâcher sur les peurs qui se présentent immanquablement dans les angles morts avec les bruits qui rodent et ramène les pensées vers le centre. Je me suis alors dit que ce devait être le sens de cette capuche qu’on retrouve chez les moines et certains ermites.

La nuit… la nuit fut délicieuse. La plus confortable des trois. J’étais au chaud, abrité de la pluie, avec mes chaussettes en laine et toujours en contact avec les arbres qui bordaient mon hamac. Une nuit pleine de rêves. Une nuit où la magie était présente, c’est sûr. Vers quatre heures du matin, déjà plusieurs fois réveillé par des rêves puissants qui s’enchainaient, le brame d’un cerf tout proche se fit entendre. Le cerf était juste là. Je ne peux pas dire que j’étais rassuré. C’est une bête puissante et son brame encore plus, sorte de cri guttural profond, habillé de terre, de pierres et d’arbres. Je rappelle pour ceux qui ne savent pas que les cerfs brament normalement à l’automne, en période de rut. Hors de ce moment, je n’en avais jamais entendu. J’accueille le signe. Et c’est aussi la raison pour laquelle au début de l’article je vous disais que le Loup Blanc allait peut-être finir par devenir le Cerf Blanc. Bref… J’accueille la peur. D’autant mieux que je me sens vraiment confortable dans mon abri. Je me rendors…

Il est dix heures du matin, je me réveille à peine. Enfin, je me suis réveillé toutes les heures depuis six heures, mais la pluie tombant toujours, le froid toujours mordant hors de mon cocon, je fais le choix plusieurs fois de continuer à dormir. Je me lève. Ouf ! C’est fini. Nous sommes samedi, c’est le jour où j’ai dit que je rentrais et puis, demain, je pars bosser à Paris pour une semaine, il faut donc que je revienne au monde des Hommes.

Je sors de mon abri et fais quelques pas et là j’entends « Bonjour ! Coucou ! » un millier de voix qui s’élèvent vers moi. Je regarde pour comprendre d’où viennent ces voix. Ce sont les arbres, les plantes, les fleurs, les herbes ! A mes pieds le « Aïe ! » d’une herbe. Je m’excuse, je recule mon pieds. Elle me dit que ce n’est pas grave. J’hallucine ! Tout parle. Mais quand je dis parle, c’est parle. Avec des voix différentes et audibles comme j’entends la plupart d’entre vous ! Les lumières aussi sont plus fortes. Je les vois aussi, les végéaux (monde végéal : arbres, plantes, fleurs, herbes, etc) différemment. Pas des visages, mais plutôt comme des archétypes, des émanations de leurs énergies émotionnelles. Je suis médusé, émerveillé. Emu. Je reconnais cet arbre que j’affectionne tant et qui est en fait un grand adolescent timide et souriant.

Sur tout le chemin du retour j’aurais droit à ce cadeau merveilleux. Il restera avec moi même après être rentré à la maison. Du coup, j’ai pu en profiter pour découvrir qui étaient les arbres autour de la maison. Le Catalpa qui a si bien travaillé avec la musique des plantes, lui, ne se dévoile pas, à la différence de la Glycine, grande dame très coquette et maternante. Tous les végéaux ne se montrent pas. Par exemple, ceux en pot; pour l’instant, ne me parlent pas. Hors appareil de la musique des plantes 😉 Mais certains sont très bavards, très accueillants. Il y a ces deux arbres que je n’avais jamais remarqué qui sont pliés de rire tous les deux comme s’ils se racontaient des blagues. Amoureux de la vie ! Je suis comme un gosse ! C’est merveilleux.

Trois jours après, jour où je finis d’écrire ce témoignage, je les entends toujours. A Paris, j’ai eu une magnifique surprise. Un des arbres devant lequel je passe souvent quand je vais bosser à la Maison de la Radio et que j’avais déjà remarqué plusieurs fois ces dernières années, m’interpelle : « Ah ! Tu es là ! Je suis tellement content de te voir ! Ça faisait longtemps ». Je suis submergé par l’émotion, parce que son témoignage de tendresse ressemble à ceux que me réservent Galiléo quand je rentre d’une semaine de travail à Paris. Je ne pensais pas qu’ils puissent être si puissamment attachés à nous. C’est magnifique.

Oui, c’était long… je te remercie toi qui a lu jusque là. Je suis content de pouvoir partager cela avec toi. Et j’ai hâte de retourner dans ma forêt. Pour commencer à apprendre de leur bouche comment faire pour devenir cette plante qui marche. Prochaine étape de notre humanité, la Végéanité ! Sois en sûr ! Avec moi.

 

3 réponses à « Le chemin de la Plante qui Marche »

  1. Je n’avais pas encore trouvé le temps/courage de lire ton article, je le lis à la suite de celui posté ce matin sur le chant des plantes, c’est très émouvant. Quelle belle folie, quelle belle créativité! Je reconnais l’île aux pierres sacrées (un bon nom) et me souviens de mes pieds nus dans la boue du ruisseau! Quelle bienveillance dans l’accompagnement de ta femme, tes enfants et ta famille, c’est précieux et l’amour est très présent à travers tes mots.
    Si mon arrière-arrière grand père avait reconnu mon arrière grand père mon nom de famille serait Cerf. C’est une des premières choses qui est remonté par mon corps quand j’ai travaillé avec Sandra au retour du Parédé !
    Merci de ton partage.

    1. C’est vrai qu’il est long cet article 😉 Génial le nom de Cerf qui se balade… Aïdée la fée, maintenant le Cerf… il va falloir creuser. Nous sommes repartis cette semaine juste deux jours/deux nuits avec Hélia, Galiléo et Rose sur la piste de la grotte… pas trouvée. Et les plantes se sont tues. A nouveau. Ca va, ça vient. Là, sur mon trajet pour Paris, j’ai entendu un arbre, mais le cadeau initial qui a duré trois/quatre jours est reparti 🙁 Alors, je cherche. Avec la traduction du message des plantes du 28 (j’ai beaucoup de retard. Encore 3 messages à traduire…) je me suis concentré sur le feu. Quand mon coeur était plongé dans les flammes, c’est revenu… Mais est-ce cela ou autre chose ? Qui sait… A suivre. Mais le contact était si puissant et total que je ne suis pas prêt de lâcher (c’est peut-être ce que je devrais faire d’ailleurs 😉 )

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