Je profite des quelques pourcents restant sur la batterie de mon ordinateur portable pour venir partager avec vous cette belle première journée de l’an 2018. (Avec la tempête arrivée en fin d’après-midi, l’électricité grésille, faisant des sauts de sur et de sous-tension, nous empêchant de laisser nos appareils sensibles branchés.)
Ici, depuis l’année passée où cette balade du jour de l’an à la source avait été improvisée, nous en avions été tellement enchantés que nous avons décidé de le ritualiser. Dans le calendrier du Parédé, il y a à la page du premier janvier : « Cérémonie de la Source ».
C’est la source qui nous a emmenés ici au départ. Claire étant spécialiste de l’eau, c’était pour elle un des éléments capital. Quand nous sommes venus visiter la première fois, en décembre 2015, nous avons fait un prélèvement d’eau. Et quand elle a reçu les résultats, elle a immédiatement décidé que ce serait ici l’endroit. L’eau était pure. Non pas avec des taux acceptables de ceci et de cela, mais pure… Pas une trace de métal, ni de pesticide. Rien ! Quand on y pense, ça devrait être un standard, mais c’est, en fait, un luxe. Car, nulle part hors des versants de certaines montagnes et de lieux trop reculés pour y accueillir la civilisation, de l’eau aussi propre n’existe plus.
Ici, ce cadeau, cette source nous l’avons appelée Sarah, de Sarraméa. Elle nous hydrate, nous permet de nous laver, de faire nos travaux, de faire boire les animaux, les plantes, les arbres, de cultiver nos légumes et nos fruits (… plutôt potentiellement pour l’instant, c’est vrai ;)). Elle parcourt jusqu’à nous, sans l’aide d’aucune pompe, presque un kilomètre. Grâce au travail acharné de Monsieur Poujade -l’ancien propriétaire, notre héros local- cette veine captée en surface arrive jusque dans nos tuyauteries et semble ne jamais faiblir, même quand nous sommes quinze à la solliciter.
Le ciel semblait avoir compris qu’il fallait qu’il retienne ses larmes et ses cris le temps de notre aventure cérémonielle. Nous voilà donc partis en fin de matinée, accompagnés par un vent chaud, semblant venir du Sahara. Pour l’occasion, nous retrouvons Gaël le Fauve et, avec nos machettes et sécateurs à la main, nous nous enfonçons dans cette forêt sauvage, tranchante par ses à pics et peu accessible, jusqu’à ce point reculé, secret, d’où l’eau jaillit. Nous avons nettoyé, pique-niqué, célébré, offert quelques nouvelles pierres. Certains se sont recueillis au doux son de l’eau qui murmure la chanson du mariage de la terre et la pierre, une chanson des Pyrénées. Quelle belle fête ! Mêlant les générations et les genres. Socrate et Gaïa ouvrant la marche, chiens éclaireurs. Puis, venaient les sabreurs masculins trottinant à leurs fesses, coupant les ronces, ouvrant le chemin aux familles, joyeuses rondes chargées de victuailles et d’enfants. Avec Galiléo et Gabriel, les lutins de ces bois, rouleboulants et offrant à tout l’écho de leurs rires cristallins.
On dit ici qu’il ne faut jamais capter une source égoïstement. Qu’il faut en laisser un peu s’évader pour nourrir les animaux et les arbres, au risque, si l’on devient trop avide, de la voir se tarir. Ce sont les paysans de Sarraméa et de Mespoux qui nous l’ont dit. « Untel ne l’avait pas respecté, c’est pour cela que sa source s’est tarie. » Ce n’est pas idiot, si l’on y pense, car l’eau ne sort certainement pas de terre au hasard.
Un belle journée au Parédé.